Contribuer en tant qu’élu(e)

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Les élus portent la vision du projet de transition, doivent convaincre, accorder les points de vue, relier les sujets, travailler en multi-échelle, gérer les rapports de force et les clivages partisans. À l’heure des transitions, ils doivent adapter leur posture militante, fédérer au-delà de leur premier cercle et éviter de tomber dans le piège du rôle de leader descendant dans lequel certains les assignent et leur demandent de rester.

Cette page est intégralement issue du rapport Les 4 Fantastiques des territoires en transition produit par la Fabrique des Transitions.

Enjeux

Des contradictions entre la volonté de coopérer et les rapports de force inhérents, avec les agents ou les autres élus de la majorité par exemple. Une tension entre le temps court des appels à projet et le temps long nécessaire aux politiques publiques de transition. Une tension également temporelle entre la nécessité de prendre le temps (le temps nécessaire qu’impliquent les sujets de fond, la coopération…) et l’urgence permanente (« c’était pour hier ! »). Le niveau élevé et la complexité des enjeux à prendre en charge face à la réalité des moyens « dérisoires » qui sont associés à la transition. Le niveau d’ambition à avoir face à la posture d’humilité à assumer, le besoin de s’appuyer sur des services compétents (pour combler les connaissances techniques des sujets notamment) et le manque d’ingénierie territoriale de plus en plus criant.

Quand on passe de militant à élu, ce n’est plus du tout la même fonction : cette évolution mérite d’être conscientisée, accompagnée, pensée avec ses avantages et ses inconvénients. Ce passage peut provoquer des tensions nouvelles au sein d’équipes dont les membres ne sont plus en campagne mais en responsabilité. Le partage des responsabilités nécessite lui aussi d’être travaillé : cela révèle une nécessité de dépasser les enjeux de personnes pour accéder aux enjeux de travail et d’organisation de la coopération.

Les élus sont souvent attendus au tournant sur les manquements qu’ils pourraient avoir (comme conduire une voiture à essence quand on prône la transition par exemple). Même s’il faut y veiller, il faut aussi savoir assumer ses contradictions : nul n’est parfait et les élus en transition ne vivent pas en dehors des réalités !

Comment prendre les sujets les uns après les autres (la charge) tout en assurant une cohérence d’ensemble (la visée politique) ? Comment assumer la cohérence entre la volonté politique et la volonté des acteurs du territoire ? En tant que porteurs de la vision de la transition et de la volonté politique, les élus doivent arriver à accorder les différents points de vue et les différentes représentations, à relier des sujets qui, de prime abord, ne le sont peut-être pas. Et à faire travailler les élus qui les portent et ne coopèrent peut-être pas : les élus sont alors garants du cap et de la méthode. Cela nécessite d’intégrer la transition dans des politiques qui sont sectorielles et dans des modes d’organisations encore en silos.

Il faut arriver à trouver l’équilibre entre celles et ceux qui veulent y aller, qui sont très allants et ceux qui résistent et qu’on ne doit pas laisser sur le bord de la route, faire avec les réticents. Les dispositifs participatifs posent aussi de véritables difficultés aux élus. La participation citoyenne peut prendre bien des formes, mais son explosion récente sur la scène politique lui a fait mauvaise presse : elle est perçue par certains élus comme des espaces de contre-pouvoir où leur légitimité risque d’être remise en question, considérée par d’autres comme une perte de temps car les participants sont toujours les personnes opposées aux projets – voire aux élus eux-mêmes – risquant donc de cristalliser des tensions existantes plutôt que de les lever.

L’articulation de la participation citoyenne – c’est-à-dire de l’implication des citoyens dans la vie publique et les projets de la collectivité – avec la place de l’élu et des décideurs locaux n’est pas simple. Les espaces sécurisés pour en parler entre élus et monter en compétences manquent au sein des organisations. Il existe un fort enjeu de formation à l’implication et à la participation. Mais cette formation ne peut être académique ou descendante pour être efficace. Elle doit se baser sur l’expérience vécue et le partage d’expériences.

La coopération avec les autres échelles territoriales pose question. Pour une commune par exemple : comment travailler avec des échelles supra-locales où des acteurs ne sont pas élus au suffrage universel, ce qui complique la constitution d’un sens commun ? Tout comme la coopération avec l’opposition : comment engager l’opposition dans le portage des choix et des décisions, afin de l’inclure et de lui faire porter la co-responsabilité des politiques engagées ? C’es un jeu subtil à entreprendre ! Enfin, qu’en est-il de la coopération avec les services et en particulier avec les services supports (juridique, ressources humaines, secrétariat général…) ?

La coopération est aussi un moyen de pallier aux manques de moyens. Au-delà de la dimension éthique (la coopération n’est pas qu’un supplément d’âme), c’est une visée très pratique permettant de créer les conditions d’une action augmentée, de mutualiser les efforts, de créer des synergies… Une vision qui est recherchée à travers la coopération.

Il existe un fort enjeu de management / ménagement des équipes et de santé au travail. L’absence de coopération entraîne des conséquences négatives sur la santé des élus (pression du mandat, des engagements pris, de la parole donnée, de l’ambition portée face à l’absence de moyens…). Tout l’enjeu est d’arriver à prendre soin de son ergonomie personnelle : ces temps sont difficiles à prendre et pourtant indispensables à sacraliser !

Une attention forte doit aussi être prêtée à la santé des agents, de plus en plus mise à mal, comme à celle des acteurs qui, lorsqu’ils s’engagent en faveur des transitions du territoire, s’engagent souvent pleinement.

Pouvoirs

Cela permet d’enrichir la vision du projet et d’identifier qu’on peut aller avec les plus allants. Et progressivement, de travailler sur les représentations, de donner à voir par l’exemple, d’embarquer pas à pas tout le monde.

La coopération nécessite la reconnaissance des agents qui s’engagent en ce sens. Ne pas reconnaître le temps demandé par la coopération, les efforts, les pas de côté qu’elle exige, peut décourager celles et ceux qui l’entreprennent. La coopération, comme la transversalité, est une responsabilité partagée qui doit s’appuyer sur une organisation collective. L’organisation collective doit prévoir des espaces et des temps (une ergonomie de la coopération) pour permettre de partager des signes de reconnaissance envers les acteurs qui s’engagent (en interne et en externe de la collectivité).

C’est le rôle de l’élu d’arriver à redonner les priorités, à remettre en trajectoire les projets, à faire de la pédagogie en respectant les contraintes et les oppositions. Certains ont pris l’habitude de prendre appui sur des documents d’engagement formalisés (les compte-rendus) pour justifier des actions, des directions prises et faire ainsi avec la lecture partisane ou la compétition interne : des documents qui font foi et auxquels on peut se référer quand le récit de la politique est contredit et ainsi replacer la décision dans le processus global.

L’élu est bien « chef d’orchestre ». L’enjeu est d’accorder les violons, à la différence qu’un territoire ne se mène pas à la baguette – même s’il s’agit de permettre l’expression de chacun et la constitution d’un ensemble démocratique plus grand que la somme des parties qui le composent !

Il s’agit aussi de savoir accueillir les récits contradictoires des citoyens, de leur donner des espaces, même si le manque d’outillage et de formation à cet égard est criant (il ne s’agit pas de formations descendantes mais de formations réflexives qui partent des situations de travail, des vécus, des expériences du réel). Cela nécessite de développer des capacités d’écoute des avis contraires au sien et d’éviter de polluer la communication et le dialogue par des postures défensives.

Par la coopération entre élus : savoir prendre le temps pour penser sa méthode de travail et le processus de décision, par exemple en y dédiant un samedi complet. C’est une manière de perdre un peu de temps pour en gagner beaucoup par la suite car cela permet de poser des enjeux névralgiques et structurants sur la table et de les clarifier. Cela peut aussi passer par la formalisation d’une Charte d’élus, ou par le fait que le n°1 de l’exécutif joue un rôle particulier avec une fonction d’arbitre stratégique.

Avec les services : il s’agit de convenir de la méthode de travail, du processus, de porter un management qui prenne soin de leur santé et qui accompagne leur adaptation à de nouvelles équipes élues. La dimension du travail en binôme s’avère ici structurante (binômes d’élus et binômes d’élus et de techniciens). Tout l’enjeu est de ne pas faire seul !

Avec les citoyens et les opérateurs : cela pose des questions là encore de méthode, de rythme et de périmètre pour construire une dynamique vertueuse et ne pas se trouver instrumentalisé. Certaines expériences négatives en terme de participation, d’ouverture du jeu par les élus, peuvent empêcher d’avancer («  chat échaudé craint l’eau froide !  ») et mériteraient d’être décortiquées, d’être comprises pour en tirer les leçons. Ce n’est pas un travail évident à faire tout seul : cela suppose donc une organisation réflexive. 

Avec l’opposition, qu’elle soit citoyenne ou politique : comment inclure l’opposition avec soi pour partager la responsabilité ? Il existe pourtant des « deals constructifs ». Il serait intéressant de creuser les principes qui permettent de faire ces «  deals  » et de nourrir la posture d’autres élus moins enclins à les faire spontanément…

Attentes

Ce qui n’est pas toujours le cas ! Par exemple, quand dans la tête du chef de l’exécutif, développement économique s’oppose à développement durable, comment convaincre que la transition n’est pas une aberration économique ? L’économie classique n’a pas l’habitude de prendre en compte les enjeux écologiques. Si l’arbitrage ne se fait pas en faveur de la transition, c’est souvent par peur (que ça soit mal reçu par les citoyens, les autres élus de la majorité, les représentants du patronat local…) mais pas par manque de conviction ou de connaissances (en réalité, bien des acteurs y sont prêts !).

Sur le long terme, il est aussi plus facile de démontrer le coût de l’inaction et de révéler la cohérence économique d’agir vers des modèles économiques soutenables dès aujourd’hui. Mais la durée du mandat, de court terme, vient se heurter à cette stratégie de long terme. Créer un dialogue entre les adjoints au sein de l’exécutif pour acter les points de divergences est également un besoin qui ressort.

Les élus font remonter le fait que certains agents ont tendance à vouloir prendre le rôle des élus, en portant la vision politique par exemple. Même si parfois les agents ont envie de mettre la main à la pâte, les élus souhaiteraient plutôt que les agents viennent apporter leurs connaissances et construisent des relations «  claires  » avec eux. Qu’ils arrivent collectivement à se dire ce que l’élu.e peut faire ou pas du point de vue de l’agent – et inversement. En un mot, respecter la fonction de chacun. Et pour cela, il faut parler ! En complément, il s’agit aussi d’assurer la continuité en cas de nouvel exécutif pour tenir informés les nouveaux élus des sujets et des enjeux techniques qui permettent d’éclairer leurs décisions politiques.

Par exemple, cela peut être en nourrissant une relation de confiance. Le besoin de nouer des relations sincères est notamment ressorti des échanges (« on n’est pas sur un piédestal, on peut avoir une bonne idée mais pas ajustée »), que ce soit sur le registre de l’égalité (« on est ensemble ») ou de l’honnêteté (« on se dit les choses »), voire c’est de la complicité qui est attendue ! Pour ce faire, il faut une communication plus directe, éviter les contournements qui créent souvent des grains de sable dans les rouages de la coopération. Il faut aussi savoir partager ses visions (on ne met pas tous la même chose derrière le mot « transition »), puis définir avec les services des objectifs réalisables, c’est-à-dire ambitieux mais réalistes du point de vue de la capacité de charge.

Comment va-t-on plus loin dans la relation partenariale ? Pour mieux co-construire les politiques publiques, il faut arriver à trouver des synergies pour s’appuyer sur les associations et les collectifs locaux et par exemple, concrétiser ce partenariat par un premier événement. Comment agencer des collectifs d’acteurs et créer les conditions d’autres formes de partenariats ? Sur les acteurs de l’ESS en particulier, le maillage se fait de plus en plus, mais il y a toujours une grande difficulté à construire des liens partenariaux avec de plus grandes entreprises.

Les relations avec l’État sont vues comme très descendantes, avec peu de liens de proximité et ce, allant de mal en pis. Il existe le sentiment de subir les injonctions de l’État sans être soutenu dans le réel, surtout pour les petites communes qui ont besoin d’accompagnement pour s’appuyer sur de nouveaux modèles (comme les SCIC par exemple). L’État semble, selon les élus, pâtir d’un manque de moyens, avec une forte difficulté à animer la concertation, à dépasser les désaccords et à faire consensus entre les acteurs, c’est-à-dire à être prescripteur/facilitateur de nouvelles approches.

Il y a une nécessité d’orchestrer la décision politique autrement, avec d’autres critères qui ne sont pas mis en avant par l’État. Selon certains élus, l’État continue d’exercer ses missions dans un relation « one to one », sans forcément chercher à travailler collectivement sur un territoire. Comment l’État pourrait-il alors arriver à jouer un rôle d’agenceur de tous les acteurs du territoire autour d’un objet commun, dans un objectif de transition ?

Intégrer cette question demande une autre forme de relation non seulement avec les entreprises, mais aussi avec les habitants : ce sont ces « nouveaux espaces de gouvernance » qui n’existent pas aujourd’hui pour prendre en compte ces sujets, mais aussi de nouvelles formes de démocratie où l’on peut se raconter les expérimentations et les enjeux et prendre des décisions ensemble.

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