L’organisation du territoire est un thème très complexe et au coeur de la résilience globale des sociétés. Pour cela, il faut bien comprendre les rôles des villes dans la catastrophe écologique en cours. Pourtant, on considère souvent la ville comme étant une organisation efficace pour gérer les ressources énergétiques : la densification des habitations ainsi que le rapprochement des services au plus près de la population économise de l’énergie. Cette vision paraît étriquée. Elle part du postulat suivant:
- Seuls le CO2 et la consommation d’énergie pour la mobilité posent problème
- Les logements vacants et sous-occupés ne font pas partie de la vision d’ensemble et redistribuer la population dans les milieux moins urbanisés participerait à accroître l’artificialisation, voire pire, l’imperméabilisation des sols
- Le rôle de production alimentaire ne devrait qu’être attribué aux agriculteurs, voire pire, aux multinationales de l’agro-alimentaire qui contribuent à accroître l’ultra-mécanisation et l’application de la chimie de synthèse dans les champs au détriment de l’emploi humain.
Concentrer la population dans les milieux urbains revient à s’assurer que l’hémorragie de la population dans les milieux ruraux participe à accroître la pression environnementale dans les champs et dans les villes (voir: l’accaparement des terres et la gestion agricole causée par le machinisme)! Il faudrait toutefois veiller à ce que l’accroissement de la population rurale ne contribue pas à reproduire un mode de vie délétère, à savoir:
- la non intégration des populations rurales dans le secteur agricole
- la reproduction du schéma résidentiel sans lieu de vie ni commerce de proximité, sans lien social ou chacun reste chez soi dans sa ville sans connaître son/sa voisin(e), le tout organisé autour du schéma grandes surfaces + parkings, ce qui reviendrait à accroître la dépendance envers le système très énergivore qui consiste à bitumer de plus en plus de surfaces au détriment de la résilience territoriale
1. Occupation du territoire: sous-occupation et vacances des logements
Sous-occupation: La sous-occupation d’un logement signifie des locaux d’habitation insuffisamment occupés. Ainsi, est considéré comme sous-occupé un logement comportant un nombre de pièces habitables supérieur de plus d’un au nombre de personnes y ayant leur résidence principale.
Vacance: selon l’INSEE, Un logement est vacant s’il est inoccupé et : proposé à la vente, à la location, déjà attribué à un acheteur ou un locataire et en attente d’occupation, en attente de règlement de succession, conservé par un employeur pour un usage futur au profit d’un de ses employés, sans affectation précise par le propriétaire (logement vétuste, etc.)
1.a. Sous-occupation des logements
Sur la carte ci-contre, L’indicateur ici présenté donne le pourcentage de résidences principales sous-occupées par rapport à l’ensemble des résidences principales (source: observatoire des territoires).
Sous-occupation des résidences principales (%) 2018:
Cette carte indique une mauvaise répartition de la population sur le territoire. On voit clairement que la Corse, la région PACA, les DOM-TOM, Lyon et Paris présentent des taux d’occupation assez haut. A l’inverse, les zones rouges qui sont souvent peu peuplées, présentent de faibles taux d’optimisation de l’espace dans les logements
1.b. Un nombre de logements vacants toujours plus importants
Contrairement à une idée reçue, il n’y a jamais eu autant de logements vacants en nombre et en pourcentage, en atteste le graphique ci-dessous :
Ces logements vacants se trouvent souvent en zone rurale.
C’est pourtant sur ces territoires qu’il faudrait créer de nouveaux emplois dans l’économie des besoins (santé, agriculture, artisanat, production énergétique, éducation et formation aux métiers utiles). La réhabilitation éventuelle de ces logements serait cruciale d’autant plus qu’elle permettrait de rééquilibrer le territoire avec une nouvelle politique de peuplement et économiserait de nombreuses ressources. D’après l’Ademe :
- La construction d’une maison individuelle consomme en moyenne 1,2 t/m2, soit environ 40 fois plus que la rénovation.
- La construction d’un bâtiment de logements collectifs ou d’un EHPAD consomme en moyenne 1,6 t/m2, soit environ 80 fois plus.
Chaque kilo de matière première extraite embarque avec lui autant de consommations énergétiques.
Une nouvelle politique de peuplement est complexe. La distribution des salaires est très diverse selon les métiers. Or, les métiers utiles (agriculteurs, professions de santé, de l’éducation etc.) sont souvent moins bien rémunérés que certains métiers particulièrement déconnectés des besoins fondamentaux. Cela implique de favoriser la politique du logement pour certains métiers et surtout, de revoir les échelles de revenus. Il faudrait par exemple recréer des ceintures maraîchères autour des villes ainsi que convertir certains terrains urbains à l’agriculture mais loger ces personnes aux revenus plus faibles pose problème à cause du prix des logements. Il est fort probable que les collectivités doivent reprendre la main sur une partie des logements afin de limiter la spéculation immobilière évinçant ces personnes.
2. Focus sur les territoires ruraux
Les territoires ruraux ne représentent pas un territoire uniforme, loin de là. Ils représentent une grande variété de situations sociales, économiques et démographiques. Toutefois, une tendance est assez généralisée, à savoir, un sentiment d’abandon des territoires ruraux, partagé par 51% des Français.e.s, qui est souvent causé par la perte des lieux de sociabilité et des services de première nécessité (1000cafes.org, 2023).
Aujourd’hui, les communes de moins de 3 500 habitants représentent 31% de la population.
Plus de la moitié (53%) des communes rurales ne disposent plus du moindre commerce.
80% des ruraux veulent voir l’ouverture d’un café dans leur ville.
Malheureusement le café du village a souvent disparu bien qu’il était autrefois le lieu de rencontre central pour les habitant(e)s. Il s’agit aussi d’un lieu emblématique et fédérateur du village.
Ainsi, le constat est limpide : 26000 communes en France (sur environ 35000) n’ont pas (ou plus) de café donc de lieu de convivialité. Il manque ainsi un lieu de services et de lien de proximité (1000cafes.org, 2023).
3. Boucles population/travail et spécialisation agricole
3.a boucle demande de travail (population) et offre de travail (entreprises)
Aujourd’hui, la boucle « population-travail » est toujours d’actualité. Les populations (demande de travail) se regroupent au sein des grandes métropoles afin d’y trouver un travail. Ainsi, les entreprises (offre de travail) suivent le mouvement afin d’y trouver la main d’œuvre recherchée. La boucle est bouclée : elle participe ainsi à vider les territoires ruraux de ses populations.
Cette boucle contient un principe de renforcement (à ne pas confondre avec une “boucle de rétroaction positive”). Une augmentation de la population participe à augmenter les besoins divers : écoles, structure de santé, infrastructures routières, infrastructures invisibilisées telles que les réseaux de potabilisation et de traitement des eaux usées, réseaux énergétiques, réseaux internet (fibre) etc. Chaque habitant supplémentaire draine une artificialisation, un impact matière et énergétique caché, des pollutions toujours plus compliquées à traiter.
3.b spécialisation agricole
Si on ajoute à cela la logique de spécialisation agricole qui prévaut depuis l’application du productivisme dans l’agriculture, suite à la seconde guerre mondiale, cela ne fait que renforcer les pressions sur les écosystèmes en accroissant la logique productiviste dans les champs : la main d’œuvre agricole s’effondre, la mécanisation à outrance ainsi que la chimie continuent de vider la population agricole des champs à tel point que certains villages agricoles ne comptent même plus un seul agriculteur. La péréquation des zones de population est à revoir de fond en comble. Repeupler les campagnes et les petites villes ne signifie pas nécessairement accroître l’artificialisation des sols mais plutôt réhabiliter les logements vacants et réinvestir les domaines de l’agro-écologie et de l’artisanat.
4. gestion de l’eau
Voir à ce sujet le “système eau”
Axes de résolution
1/ rétablir un équilibre dans les politiques de peuplement entre les villes, essentiellement les grandes, et les campagnes afin de dépressuriser les villes et les campagnes qui fournissent l’essentiel des besoins invisibilisés pour les milieux urbains en occupant prioritairement les logements vacants.
2/ améliorer les taux d’occupation des logements en favorisant les logements intergénérationnels. Les étudiants peuvent notamment occuper les chambres laissées vides dans les maisons suite au départ des enfants du foyer familial
3/ former et reconvertir les besoins du marché de l’emploi vers des métiers en lien avec la nature participant à la fourniture en besoins de base : agroécologie, artisanat
4/ pratiquer le démarketing territorial sur les territoires déjà contraints aux sols imperméabilisés et aux capacités en infrastructures limitées