L‘utilisation de l’eau douce, parfois appelée « perturbation du cycle l’eau douce » désigne les prélèvements en eau douce pour les besoins des activités humaines qui affectent les écosystèmes en perturbant le cycle de l’eau. L’utilisation de l’eau douce est une des 9 limites planétaires du cadre proposé en 2009 par le Stockholm Resilience Centre (SRC), révisé en 2015 (Steffen et al.) puis en septembre 2023 (Richardson et al.), visant à définir un « espace de fonctionnement sûr pour l’humanité » qui repose sur l’évolution de neuf phénomènes complexes et interconnectés.
Table des matières
- Introduction
- Causes de la surutilisation de l’eau douce
- Conséquences de la surutilisation de l’eau douce
- Surutilisation de l’eau douce et connexions avec les autres limites planétaires
- Bibliographie
Introduction
La Terre, dont 72 % de la surface est recouverte d’eau, abrite un volume d’environ 1,4 milliard de km3 de ce liquide essentiel à toute forme de vie (MTECT, 2023). Bien que l’eau soit abondante, seulement 2,8 % de cette quantité constitue de l’eau douce, adaptée à la consommation humaine (MTECT, 2023). L’eau douce se répartit principalement entre les glaciers, les nappes souterraines, les rivières, les lacs, et existe également sous forme de vapeur d’eau dans l’atmosphère. L’eau restée stockée dans des réservoirs naturels est caractérisée par un temps moyen de résidence de durée variable : approximativement 9,5 jours dans l’atmosphère, 17 jours dans les rivières, 1,8 an dans les sols, 30 ans dans les lacs d’eau douce, 3000 ans dans l’océan, et près de 10 000 ans dans certains glaciers (Dubois et al., 2014). La portion de l’eau qui provient des précipitations atmosphériques et s’écoule vers les mers, ou qui est stockée dans les lacs, les aquifères, et les réservoirs, représente la ressource renouvelable, appelée « eau bleue » Le volume annuel de cette ressource au niveau mondial est estimé à 37 000 km3 (MTECT, 2023).
Tout au long du XXe siècle, les prélèvements mondiaux d’eau douce pour des usages tels que domestiques, agricoles ou industriels ont connu une augmentation significative. Ils sont passés de 600 km3 par an au début du siècle à 3 880 km3 par an en 2017 (MTECT, 2023). À l’échelle mondiale, le taux de prélèvement d’eau douce représente environ 10,5 % du taux moyen de renouvellement annuel des ressources en eau douce (MTECT, 2023). Ce taux varie considérablement d’un continent à l’autre en fonction de la densité de population et de la disponibilité de la ressource. Les pourcentages approximatifs sont les suivants : Asie (41,3 %), Amérique du Nord (8,8 %), Afrique (6,6 %), Europe (4,2 %), Australie et Océanie (2,9 %), Amérique du Sud (1,7 %) (Unesco, 2022).
Avec l’impact du changement climatique, la disponibilité d’eau renouvelable par habitant a enregistré une baisse d’environ 20 % entre 2000 et 2018 (MTECT, 2023). Cette tendance est particulièrement accentuée dans les pays où la ressource par habitant est déjà limitée, notamment en Afrique subsaharienne (-41 %), en Asie centrale (-30 %), en Asie de l’Ouest (-29 %), et en Afrique du Nord (-26 %). Ces régions courent un risque accru de pénurie d’eau (FAO, 2021).
En 2022, une limite critique a été introduite pour ce que l’on appelle « l’eau verte » qui représente l’eau des précipitations absorbée par les plantes et les sols, en complément des limites déjà existantes pour l’« eau bleue» (Wang-Erlandsson et al., 2022). L’eau verte est d’une importance capitale pour la résilience de la biosphère, avec des facteurs tels que l’érosion des sols (réduction de la réserve utilisable) et la déforestation ayant un impact significatif sur sa diminution (MTECT, 2023).
Les activités humaines perturbent le cycle de l’eau en prélevant de l’eau douce, ce qui a un impact sur les écosystèmes (MCECT, 2023). Les prélèvements nets d’eau douce, également appelés « eau bleue », au niveau mondial atteignent 2 600 km3, ce qui reste inférieur à la limite globale de 4 000 km3 (MCECT, 2023). Cependant, on observe des dépassements au niveau local, notamment dans les bassins versants. Selon certaines études, l’utilisation des ressources en eau douce des bassins pourrait entraîner l’assèchement de 25 % des bassins fluviaux de la planète avant qu’ils n’atteignent les océans (MCECT, 2023).
En 2022, Lan Wang-Erlandsson, chercheuse au Stockholm Resilience Centre, déclarait : « L’eau est la circulation sanguine de la biosphère. Mais nous sommes en train de modifier profondément le cycle de l’eau. Cela affectera la santé de la planète entière et la rendra beaucoup moins résistante aux chocs ».
À noter, la limite « utilisation de l’eau douce » se décompose en 2 sous-parties: eau bleue (part de l’eau issue des précipitations atmosphériques qui s’écoule vers les mers, ou qui est stockée dans les lacs, les aquifères, et les réservoirs) et eau verte (part de l’eau issue des précipitations atmosphériques qui est absorbée par les végétaux).
Causes de la surutilisation de l’eau douce
À l’échelle tant mondiale (Campbell et al., 2017) que nationale (Conseil d’État, 2010), le système alimentaire exerce une empreinte majeure sur les réserves d’eau douce. Cela se manifeste à travers des prélèvements massifs dans les eaux de surface telles que les lacs et les rivières, ainsi que par l’épuisement des aquifères souterrains tels que les nappes phréatiques (Les Greniers d’Abondance, 2022). En ce qui concerne les eaux de surface, l’utilisation intensive exerce une pression menaçante sur l’équilibre écologique des cours d’eau, pouvant même conduire à leur assèchement total. Quant aux eaux souterraines, elles peuvent être exploitées à un rythme largement supérieur à leur taux de renouvellement (Les Greniers d’Abondance, 2022).
Environ 69 % de l’eau prélevée est utilisée dans le secteur agricole, principalement pour l’irrigation, mais aussi pour l’élevage et l’aquaculture (Unesco, 2021). En outre, 19 % de l’eau est destinée à des usages industriels, y compris la production d’énergie, tandis que 12 % est utilisée pour les besoins des municipalités (Unesco, 2021).
Concernant la perturbation du cycle de l’eau douce, la remise en suspension de sédiments contaminés, qu’elle soit causée par des activités telles que la construction de barrages ou le transport fluvial, les apports d’origine humaine tels que les eaux usées traitées ou non, le lessivage des sols dans des zones urbaines ou agricoles, ainsi que la gestion quantitative de la ressource en fonction des différents usages, constituent des éléments à considérer (CERDD, 2021).
Conséquences de la surutilisation de l’eau douce
La sécurité alimentaire et sanitaire, le fonctionnement écologique des écosystèmes (y compris la fourniture d’habitats, la séquestration du carbone et l’humidité des sols, entre autres), ainsi que la biodiversité sont gravement menacés par la perturbation du cycle de l’eau douce à l’échelle mondiale, conjuguée à la dégradation de cette ressource sous l’impact des pressions humaines telles que les prélèvements, la déforestation et la pollution (MTECT, 2023).
La rareté saisonnière et géographiquement limitée de la ressource en eau, associée à une distribution inégale, entraîne la disparition d’espèces dépendantes de ces réserves ainsi que des écosystèmes environnants, tant aquatiques que terrestres (CERDD, 2021). Toujours selon le CERD, (2021) Elle se traduit également par une diminution du débit des rivières, une augmentation de la température de l’eau et une détérioration de sa qualité.
Surutilisation de l’eau douce et connexions avec les autres limites planétaires
Surutilisation de l’eau et connexions avec le changement climatique
- Les barrages et les réservoirs émettent des gaz à effet de serre, contribuant ainsi au changement climatique (KCVS, 2020).
- Le changement climatique modifie les schémas de précipitations, impactant la quantité d’eau disponible (KCVS, 2020).
Surutilisation de l’eau et connexions avec la perturbation des cycles biogéochimiques
- Un excès de nutriments qui s’écoule dans les sources d’eau peut diminuer la qualité de l’eau douce (KCVS, 2020).
Surutilisation de l’eau et connexions avec le changement d’usage des sols
- L’évapotranspiration contribue au cycle de l’eau. Si elle est perturbée par un changement d’utilisation des terres, cela peut affecter le cycle de l’eau (KCVS, 2020).
- Une augmentation des terres agricoles nécessite généralement davantage d’eau douce (KCVS, 2020).
Surutilisation de l’eau et connexions avec la perte d’intégrité de la biosphère
- L’utilisation de l’eau douce à un rythme élevé peut réduire l’intégrité de la biosphère (KCVS, 2020).
Contributeurs : Émilien Bournigal, Jérôme François.
Bibliographie
Campbell BM. et al. (2017) Agriculture production as a major driver of the Earth system exceeding planetary boundaries.
Ecology and Society 22:8.
Conseil d’État (2010) Rapport annuel. L’Eau et son droit
Les Greniers d’Abondance (2022) https://resiliencealimentaire.org/download/qui-veille-au-grain/?wpdmdl=15237&masterkey=621cd787b399d
(Dubois et al., 2014) Cathy Dubois, Michel Avignon, Philippe Escudier, Observer la Terre depuis l’espace. Enjeux des données spatiales pour la société, Dunod, 2014, 256 p.
KCVS. Web of Earth system process connections. KCVS, publié en 2020 [consulté le 27 juillet 2023]. Disponible sur : https://applets.kcvs.ca/sites/applets/PlanetaryBoundaries/
(Lan Wang, 2022) https://www.nature.com/articles/s43017-022-00287-8
Unesco, 2022. Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau – Eaux souterraines : rendre visible l’invisible.
Unesco, 2021. Rapport mondial des Nations unies sur la mise en valeur des ressources en eau – La valeur de l’eau
FAO, 2021. L’état des ressources en terres et en eau pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde : des systèmes au bord de la rupture.